Créé en 1996 par l'École de technologie supérieure (ÉTS) à Montréal, le Centech accompagne des entreprises technologiques à fort potentiel de croissance. Reconnu par l'UBI (University Business Network) comme l'un des incubateurs universitaires les plus performants au monde, le Centech est une véritable machine à croissance.

Cela a créé l'une des plus grandes densités d'entrepreneurs en technologie de haut niveau au Canada. De plus, le Centech propose désormais des cellules d'innovation ouverte pouvant intégrer les grandes entreprises et les entreprises cherchant à concevoir de nouveaux produits, leur donnant la possibilité de tirer parti de l'agilité des nouvelles entreprises et de l'écosystème entrepreneurial du Centech. M. Chénier occupe une place importante dans l’écosystème startup montréalais et canadien à titre de directeur général du Centech. BrandBourg est partenaire du Centech depuis 2017.

BB : On parle souvent de l’image de marque des entreprises, mais quelle place le branding occupe-t-il en innovation?

Le branding joue un rôle important en innovation, parce que c’est la signature, la carte de visite, la référence qui fait en sorte que les gens pourront faire le lien entre ce qu’est l’entreprise et ce qu’elle fait en matière d’innovation. C’est l’interface entre le produit et le client : on aura beau avoir un produit extraordinaire, si la marque ne suit pas…  Pour moi, le branding, c’est comme choisir un prénom pour son enfant. C’est un peu comme son baptême, c’est le référent qui permet à cette entreprise novatrice de se mettre en marché. C’est ce qui permet aux gens de la remarquer plus facilement, de se demander qui elle est, d’aller voir ce qu’elle fait.

BB : Autrement dit, quand une société vient au monde, elle doit établir rapidement qui elle est et ce qu’elle fait?

Oui, et c’est surtout vrai pour une entreprise en démarrage, qui n’a pas d’antécédents. Le fait d’arriver avec une image de marque, un logo, une URL crédibilise cette entreprise. Autrement, ça demeure un projet, ça demeure un produit sans plus. En la baptisant, en la personnalisant, en lui donnant des couleurs, on officialise son existence. Comme lorsque l’on donne un nom à un enfant, ça lui accorde le statut de personne : ce n’est plus « le bébé ».

BB : Quel rôle joue un incubateur comme le vôtre dans le coaching du branding d'une entreprise?

Nous faisons un 360 de tout ce qui est requis pour assurer le succès d’une entreprise. Le branding est un élément important dans l’ensemble de ces composantes. Nos entrepreneurs peuvent se prévaloir de nos ateliers sur le sujet, et profiter de notre accès à des spécialistes.

BB : Ça vous arrive d’intervenir en cours de route au niveau du branding auprès de vos entreprises?

Oui, ça arrive. Pas seulement par l’entremise de nos spécialistes invités, mais par nous-mêmes. Parfois, si le nom choisi est difficile à exprimer et à prononcer. Puisque toutes les entreprises qui arrivent ici sont jeunes, il est possible de changer le branding. Le pire branding que j’ai vu était pour une compagnie qui s’appelait « De Mtl », et c’était une entreprise en génie électrique. Disons que ça ne révélait pas grand-chose sur la compagnie et son produit. Ce qui est difficile avec le branding, ce n’est pas tant de trouver le nom, mais d’établir la personnalité qu’on veut définir autour de ce nom. Parfois on met beaucoup trop d’efforts et d’importance sur le nom. Il faut aussi considérer l’aspect fonctionnel. Est-ce qu’il y a des URL disponibles? Quel est le résultat lorsqu’on cherche ce nom sur Google? Si on tape « De Mtl », la compagnie sera difficile à trouver. Il y a donc des aspects extrêmement fonctionnels qui sont fondamentaux.

BB : Comment réagissent les jeunes entrepreneurs quand vous leur suggérez de changer le nom de leur entreprise?

Nous les remettons en question, mais ce n’est pas notre rôle de leur dire de changer. Nous partageons nos impressions, notre opinion, il y a des experts qui viennent animer des ateliers, mais c’est la décision de l’entrepreneur de garder ou de changer son nom. Nous travaillons avec des entreprises qui exportent à l’international, alors il faut qu’ils pensent à cet aspect dans la création de leur marque.

BB : Pour une entreprise en croissance, quel est l’aspect du branding le plus important et pourtant le plus négligé?

Souvent, ils ont fait ça sur un coin de table. Mais plus ils évoluent, plus ils se rendent compte de l’importance du branding. Pour moi, ce n’est rien de moins que la personnalité de l’entreprise. La voix, le discours qu’on donne à la marque. Le nom comme tel n’est pas si important, à condition qu’il soit très fonctionnel et qu’on puisse bien l’habiller et lui donner une belle personnalité. En cours de processus, plus ils développent leur produit, leur entreprise (parce qu’on les attrape tôt), plus l’exercice de découvrir leur entreprise et leur marché les aide à mieux se définir. Il est très fréquent chez nous de voir des marques changer en cours de route. Je pense que 25 % des projets que nous accompagnons changent de marque. Chez ceux pour qui ça va bien, qui ont un bon marché, 1 sur 4 change de nom en cours de route. Ils le raccourcissent, le simplifient, le rendent plus fonctionnel.

BB : Dans l’univers des entreprises en démarrage, la relation avec les investisseurs est fondamentale. Comment les entreprises doivent-elles s’y prendre pour bien gérer leur marque avec les investisseurs?

En ce qui me concerne, gérer la marque, c’est gérer l’ensemble des outils de communication. Si on prépare un argumentaire pour un investisseur, est-ce que la marque ressort et se reflète dans tous les volets du projet? Si on crée un feuillet promotionnel sur l’entreprise, est-ce que le contenu a été conçu pour transmettre et communiquer la marque? C’est la personnalité de l’entreprise, son branding.

BB : Vous les accompagnez dans leurs efforts?

Jusqu’à un certain point. Nous avons différents partenaires externes qui vont pousser un peu plus. Nous, on les aiguille, on leur donne un cadre, on remet leur argumentaire en question, mais il y a des spécialistes pour ça. Faire du branding ça ne s’improvise pas. Parfois, c’est décevant comme résultat. Je me souviens d’une fois où on avait trouvé une marque bien simple, quand j’étais chez ÉTS formation. On avait trouvé plein de noms particuliers, pour finir avec ÉTS formation. Et là, quelqu’un a dit : « Ça nous a coûté X pour trouver ça. » Oui, mais la réflexion qu’il y a eu derrière était importante et valait l’investissement.

BB : Chez nous, on dit qu’on tue plus souvent de marques qu’on en crée. Ce n’est pas toujours adéquat d’avoir à gérer un portefeuille de marques. Les entreprises en démarrage sont-elles souvent tentées de développer des portefeuilles de marques?

Ça, c’est une chose qu’on essaie de corriger rapidement. On les incite à cibler un marché précis. Pour une entreprise en démarrage, ce n’est pas utile de s’attaquer à tous les marchés en même temps. Il vaut mieux focaliser sur un segment de marché, sur un segment de produits. Quand l’entreprise aura grandi, elle pourra complexifier son organisation, et elle prendra d’autres décisions rendue là. Mais les premiers conseils qu’on leur donne sont orientés sur leur MVP (produit minimum viable), leurs cibles faciles à atteindre, et l’identification de leur secteur.

Si tu es en manufacturier 4.0 — parce que ça arrive, des technologies qui s’adressent à plusieurs verticales —, il faut voir quelle verticale on veut attaquer en premier. Parce qu’il va falloir canaliser les énergies autour d’elle, et est-ce que la marque va devenir nuisible, ou bien es-tu sûr que tu vas développer ton branding jusqu’au bout et qu’un jour tu monteras une compagnie parallèle pour répondre aux besoins des autres secteurs?  Je me rappelle d’une compagnie dont le nom était très versatile, mais dont la marque et son image parlait à un secteur très ciblée. C’est comme si elle l’avait emprisonné dans un secteur très précis…

Je parle beaucoup du nom, mais il y a aussi l’image qui l’accompagne. Parfois l’image est beaucoup plus importante que le nom. À l’époque, on a voulu éliminer « Centech ». Quand j’ai été nommé directeur général du Centech en 2016, les gens du milieu disaient à propos de nous, « Ne va pas au Centech, ce n’est pas un bon incubateur. » Et je me rappelle, on avait travaillé avec BrandBourg, qui nous a convaincus de garder le nom Centech. Nous, on voulait le changer. Il avait une mauvaise réputation, et la réponse de BrandBourg était que le nom n’était pas assez connu pour que ce soit un enjeu. Ils nous ont dit, « On va faire parler la marque, lui donner un nouveau souffle, et à partir de là on pourra voir ce que ça donne. Le nom Centech, ce n’est pas un mauvais nom en soi. » On a changé l’habillage et la signature pour dynamiser tout ça. La marque est aussi représentée par les gens qui dirigent l’organisation. Pour moi, tout ce qui est branding va bien au-delà d’un nom et d’un logo. C’est la personnalité de l’organisation.

BB : Justement, quels sont les risques d’un branding faible dans l’attraction d’un investisseur?

C’est majeur, parce qu’un branding faible, ça dénote un manque de professionnalisme. Pour une entreprise en démarrage, c’est une chose, mais si on veut être une compagnie avec des investisseurs, il faut démontrer qu’on est alignés pour lancer une entreprise. On ne parle pas de la gamme complète d’outils de communication, d’un kit à ne plus finir avec des publicités et des vidéos corpos. Alors que si c’est brouillon, qu’on a acheté un logo à 30 $ sur Internet ou bien qu’on a envoyé une commande en Inde pour une conception de logo à 20 $… . Le reste, c’est du marketing et des ventes. Si on parle de marketing et de ventes, le branding est super important pour orienter cette partie-là. C’est aussi important pour personnaliser le produit.

BB : J’imagine que ce n’est pas une priorité pour les entrepreneurs en démarrage d’investir dans leur marque, mais comment faites-vous pour les convaincre que ça vaut la peine?

Chez nous, on a défini ça clairement, parce qu’on offre deux programmes, Propulsion et Accélération. Quand on est inscrit en Propulsion, il y a un premier kit constitué des essentiels. Il y a le volet « As-tu un nom de compagnie? Un logo? ». Ça fait partie des essentiels : les conventions d’actionnaires, l’inscription à la TPS/TVQ, la marque — est-ce que la marque est là? Le jeune entrepreneur a trois mois pour régler ses essentiels afin de pouvoir poursuivre et obtenir d’autres appuis de notre part.

BB : Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants qui croient que le branding est juste bon pour le B2C et qui négligent une vision holistique de leur marque?

Chez nous, on prône le B2B. On se concentre sur le B2B. En B2B, les marques sont parfois un peu moins sexy. Mais pour moi, la marque demeure le référent. Telle compagnie, tel nom : ils sont bons. Le fait de bien nommer une compagnie avec une signature de marque forte, c’est un gage de qualité et ça contribue à une bonne réputation ; au final, ça ouvre plein de portes.

BB : On dit souvent qu’il ne s’agit plus de B2C ni de B2B, mais désormais de B2H, business to human. Ce sont des gens qui sont en interaction.

C’est un bon point. Nous, on dit aussi que l’entrepreneuriat, c’est un sport de contact.

« Si on sent qu’il n’y a pas eu une réflexion solide derrière cette marque, pour moi ça veut dire qu'on néglige une portion importante de son branding. » - Richard Chénier, directeur général

BB : Le Centech est un incubateur qui comporte une école de design. Comment ça se vit, le fait d’avoir une école de design à l’interne?

C’est fantastique, honnêtement. Je pense sincèrement que cela n’existe nulle part ailleurs au monde. Nous sommes probablement le seul incubateur à intégrer une école de design multidisciplinaire. Jamais je n’aurais pensé que cette équipe de design interne allait apporter autant de valeur. La première cohorte, les profils n’étaient pas parfaits, alors il a fallu qu’on fasse un peu plus de travail. On a des gens qui font du design de produits, du design de marque et du design plus interactif ; pour nous, ce sont trois composantes qui sont hyper importantes pour nos entreprises. S’il arrive que nos entrepreneurs ont besoin de se faire des petites trousses de communication et de penser à la marque, très souvent un designer se mettra à collaborer avec eux très tôt. Il y a des produits qui ne seraient pas rendus où ils sont aujourd’hui si on n’avait pas eu des équipes de design industriel. Les ingénieurs ou les scientifiques avec qui on travaille n’ont pas la mentalité « produit », ils ont plutôt la mentalité « ça marche »! Alors nos designers les amènent à penser beaucoup plus en fonction de l’usager, de l’utilisateur, de ce que le produit communique. Certains vont même, surtout en design industriel, penser à la production. C’est fondamental et ça a un impact sur les coûts.

BB : Comment vous est venue l’idée d’intégrer une école de design?

C’est notre collègue Luc Giguère qui a été contacté par l’École de design de Nantes. C’est une des meilleures écoles de design au monde. Ils ont un studio au Brésil, au Bénin, en Inde, en Chine. À Montréal, nous sommes leur cinquième studio. Ils voulaient lui donner une saveur entrepreneuriale. Ils ont essayé de travailler avec les universités, mais ils n’ont pas été capables. Les universités, c’est très complexe. Ici, chez nous, c’était plutôt : Voici notre écosystème, ce que l’on crée. On n’était pas encore dans nos locaux actuels, dans le planétarium. On allait accueillir des entreprises en démarrage, des compagnies établies avec lesquelles on allait faire des preuves de concept. Le fait d’avoir une école de design intégrée, ça pourrait être super intéressant. La vision était de créer des collisions entre différents univers. Des entreprises en démarrage, des compagnies établies, des étudiants, des chercheurs, avec nos designers, avec notre équipe multidisciplinaire. C’est ce en quoi nous croyons. On croit à la biodiversité, pas au monolithique. C’était un projet complexe, parce que ça n’avait jamais été fait, mais finalement ils se sont installés ici il y a un an, et ça a changé beaucoup de choses pour beaucoup de nos compagnies, notamment sur le plan du branding.

Richard Chénier, directeur général du Centech.

« Le fait d'arriver avec un image de marque, un logo, une URL crédibilise cette entreprise. Autrement, ça demeure un projet, ça demeure un produit sans plus.»


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